Soins

Méthode Kangourou

Mis en ligne le vendredi 15 avril 2016

Soigner les nouveau-nés auprès de leur mère en maternité, tel est l’objectif de l’Unité Kangourou (UK) créée au CHA en avril 2014.

Afin de mieux appréhender ce qu’est une UK, un peu d’histoire s’impose…

En 1978, à Bogota en Colombie, des pédiatres doivent faire face à un déficit en matériel et en personnel  soignant pour prendre en charge les nouveau-nés de très faible poids et/ou prématurés. Compte-tenu des 30 000 accouchements par an enregistrés dans la zone la plus pauvre de Bogota, il faut souvent mettre deux et même trois enfants par incubateur et les infections sont monnaie courante. Le taux de mortalité est très élevé et les durées d’hospitalisation très longues. S'inspirant des marsupiaux chez qui la mère joue le rôle de  couveuse pour son petit jusqu'à ce qu'il soit mature et autonome, ils créent la méthode Kangourou. Les  pédiatres sont convaincus qu’une fois l’état de santé de l’enfant stabilisé, s’il est placé sur la peau de sa mère 24h/24 avec un allaitement maternel à la demande et facilité par ce portage, l’enfant rentrera plus rapidement chez lui, confié aux soins de ses parents. Le programme incluait le suivi médical et psychologique des enfants et des familles même après le retour à domicile. La méthode ayant fait ses preuves, en 1994 est inaugurée en Colombie la Fondation Kangourou et 44 équipes de plus de 25 pays sont venues se former pour y apprendre la méthode et l’adapter à leur culture d’origine. Dans les pays industrialisés, le but premier est alors de faciliter la création et le maintien du lien entre l’enfant et ses parents. Le transfert dans une unité de Néonatalogie pouvant avec ces structures être évité. La première équipe française ayant mis en place une telle structure est celle de l'Hôpital Antoine Béclère à Clamart en mai 1987. Depuis, plusieurs établissements ont ouvert leur UK. Appelées aussi Unité Mère-Enfant, une unité de Néonatalogie se crée alors au sein même de la Maternité.

L’importance de la préservation du lien

Depuis longtemps, les travaux sur la relation précoce ont démontré le rôle essentiel des premiers contacts entre l’enfant et ses parents. Le pédiatre et psychanalyste Donald W. Winnicott (1896-1971) énonce le concept de préoccupation maternelle primaire. Il explique les processus qui interviennent au début de la vie du  nourrisson et souligne l’unité qui lie le bébé à sa mère. La mère a des compétences innées et développe une intuition concernant les besoins et les désirs de son enfant. L’essentiel des pensées maternelles va au confort du nouveau-né. Au cours de cette période, elle est littéralement en résonance avec les besoins du bébé. Elle éprouve une irrépressible nécessité de les satisfaire. Le nourrisson et sa mère forment une dyade.

Une naissance prématurée, un enfant de faible poids ou présentant une pathologie, entraînent chez la mère un très fort sentiment de culpabilité. Elle éprouve le sentiment d’être une « mauvaise mère », de ne pas avoir su protéger son bébé. Elle a peur de ne pas savoir s’en occuper, « il est si petit, il est si fragile… ». Dès lors, il est nécessaire de favoriser une découverte réciproque, de privilégier les rapprochements, de lui donner confiance  dans ses capacités de mère. C’est alors que l’Unité Kangourou prend tout son sens.

L’Unité Kangourou au CHA

L’unité a vu le jour dans sa forme définitive en avril 2014 avec l’ouverture officielle de deux lits. Dès 2015, l’Agence Régionale de Santé (ARS) a accepté l’ouverture de trois lits supplémentaires face au nombre grandissant d’enfants accueillis. Pour l’année 2015, 290 couples maman-bébé ont pu profiter de la structure. L’UK se situe dans le secteur 1 des suites de couches du service de Gynécologie-Obstétrique (4e étage de la zone D). Elle accueille des  nouveau-nés qui, du fait de leur prématurité, d’un petit poids de naissance ou d’une pathologie peu sévère, ont besoin de surveillance et de soins spécialisés qui nécessitaient auparavant une hospitalisation en Néonatalogie. Cette hospitalisation doit se faire en accord avec la maman qui s’engage à rester en chambre avec son enfant pendant toute la durée du séjour de celui-ci.

Les « lits Kangourou » sont des lits de Néonatalogie. Lors de l’ouverture, l’unité a été équipée de cardio-moniteurs reliés à une centrale de surveillance, d’incubateurs, de berceaux chauffants, de pousse-seringues… Le personnel a été renforcé et une d’infirmière puéricultrice dédiée à ce secteur est venue renforcer l’équipe. Une UK au sein d’un service d’Obstétrique permet à la fois le suivi de l’enfant et de sa mère. Ce sont les  soignants qui se déplacent vers eux et non les parents qui vont voir leur enfant dans une autre entité. La mère bénéficie donc d’un suivi du post-partum approprié avec une surveillance tant physique que psychologique.  Les soins sont assurés 24h/24 par une sage-femme, une infirmière puéricultrice et une auxiliaire mère-enfant  (AP/AS). Les médecins pédiatres et gynécologues obstétriciens sont présents ainsi qu’une psychologue, une psychomotricienne, une assistante-sociale et un kinésithérapeute si besoin. La surveillance et les soins du nouveau-né sont réalisés dans la chambre de la maman, après avoir été expliqués. Ils sont effectués en  présence des parents avec leur participation s’ils le souhaitent. Une attention particulière est portée à l’écoute et au respect du bébé et de sa mère. Celle-ci, entourée, soutenue par les soignants, s’occupe de son bébé sans  crainte et prend confiance en elle. Le « peau à peau » est proposé favorisant ainsi l’harmonisation affective  maman-bébé par toutes les interactions que cela permet : corporelle, visuelle, olfactive… Cette proximité stimule la lactation, permet les tétées à la demande et favorise donc l’allaitement maternel. La mère prend  également conscience des capacités de son enfant ce qui la rassure. L’enfant, quant à lui, trouve ses repères, différencie aisément sa mère des soignants et peut ainsi tisser avec elle les liens indispensables à son développement physique et psychique.

Ces chambres sont destinées à la dyade maman-bébé, mais il arrive fréquemment que le papa (ou le conjoint) reste pendant toute la durée de l’hospitalisation recréant ainsi la cellule familiale. Si ce n’est pas le cas, cela est tout de même facilitant pour le conjoint qui aura sa femme et son enfant dans la même chambre. Il pourra par ailleurs venir, accompagné de la fratrie à qui le nouveau-né pourra être présenté.

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