Soins

Mobilisation précoce des patients de réanimation

Mis en ligne le vendredi 01 avril 2016

Le fruit d'un travail collectif de l'équipe de réanimation

Après ses premiers balbutiements au début du 20e siècle en Angleterre (Nightingale, 1860) et aux États-Unis (Dr Dandy, Boston, 1926), la Réanimation moderne est apparue au milieu du siècle dernier, notamment en France (Hôpital Claude Bernard, 1954), au Danemark (Dr Engstromm, Hôpital de Copenhague, 1952) et aux USA (Dr Safar, Hôpital de Boston, 1960). Elle fut d’abord créée comme service spécialisé à l’instigation de pneumologues et néphrologues, afin de prendre en charge les détresses respiratoires engendrées par la poliomyélite, ainsi que les insuffisances rénales aiguës des chocs septiques. Elle est ensuite devenue une spécialité à part entière, caractérisée par une forte technicité et une recherche permanente d’évolution.

La Réanimation au CHA

Le Centre Hospitalier d’Avignon s’est doté en 1986 d’un service de Réanimation polyvalente, sous l’égide du Dr Philippe OLIVIER. L’unité a été créée afin de répondre aux besoins de prise en charge des détresses vitales du bassin de population du Vaucluse, et comprenait 8 lits. 30 ans plus tard, elle draine une population venant du Vaucluse, du nord des Bouches-du-Rhône, du Gard, du sud de la Drôme et possède 16 lits de réanimation et 4 de soins continus.

Afin de prendre en charge des patients atteints de défaillances multi-viscérales, les réanimateurs ont longtemps considéré qu’une sédation et une analgésie profonde étaient une part incontournable de la prise en charge, associées à un alitement strict et une mobilisation minimale des malades. Les objectifs poursuivis

étaient une compliance respiratoire totale, ainsi qu’une mise au repos maximale de l’organisme. Ces notions se sont imposées comme des dogmes, instituant de fait l’idée qu’il était dangereux de mobiliser les malades de réanimation, à cause de leur équipement important et de la ventilation mécanique.

Toutefois, certaines équipes, notamment nord-américaines, nord-européennes et suisses se sont penchées sur les conséquences et complications du séjour en réanimation. Plusieurs études d’envergures ont alors démontré l’apparition de nouvelles entités nosologiques, telles que les neuropathies acquises en réanimation, le délirium de réanimation, le syndrome post réanimation (« post intensive care unit syndrom »). Par ailleurs, il a été démontré qu’une mobilisation précoce associée à une sédation minimale permettait de diminuer la durée de ventilation mécanique, de séjour en réanimation et à l’hôpital, mais aussi d’augmenter la qualité de vie en améliorant l’autonomie fonctionnelle des patients. Des recommandations dans ce sens ont été émises par les principales sociétés savantes de réanimation, afin de promouvoir ces nouvelles pratiques et de permettre leur implantation dans l’ensemble des services de réanimation.

De nouvelles pratiques

Depuis 2011, l’équipe du service de Réanimation polyvalente du CHA a travaillé pour inclure ces nouvelles recommandations dans les pratiques courantes et améliorer la qualité de la prise en charge des malades. Le fondement de cette évolution a été la décision médicale d’autonomiser les infirmier(e)s quant à l’adaptation de la sédation des patients. Cette autonomie s’est développée par l’usage d’une échelle d’évaluation clinique du degré de sédation et d’antalgie, et l’adaptation de la dose d’hypnotique et d’analgésique selon un protocole et un objectif prescrit. Ceci a permis d’obtenir un réveil plus précoce, et le retour plus rapide à l’autonomie respiratoire.

L’évolution s’est poursuivie avec l’introduction d’un protocole de mobilisation passive/active aidée, réalisé en 2013 par un groupe de travail pluridisciplinaire (kinésithérapeute, réanimateur, aide-soignant et infirmier). Il consiste en la répétition tri quotidienne de 3 mouvements simples du bras et de la jambe, et a fait l’objet d’un support vidéo disponible sur Kaliweb. Ces mobilisations ont pour objectifs de préserver l’amplitude articulaire, de prévenir le retrait tendineux et d’entretenir la contractilité musculaire des patients. Ce protocole doit théoriquement être appliqué quotidiennement pour tout patient de réanimation, qu’ils soient ventilés ou non. Toutefois, son utilisation systématique reste difficile en pratique, par la difficulté de l’intégrer à la charge de travail et à l’organisation des soins.

Une expertise reconnue

Le pas suivant que nous voulions franchir était de lever au fauteuil des patients intubés. L’équipe médicale du CHA a souhaité implanter cette technique. Un groupe de travail paramédical s’est constitué à cette fin. D’abord, un audit de pratique par téléphone a été réalisé (64 services interrogés en France), permettant de découvrir la faible proportion des équipes françaises levant les malades intubés. Après avoir choisi la méthode qui semblait la plus simple et la plus sûre, le transfert passif avec une planche type « Roller », une étude de faisabilité a été conduite afin de prouver de façon objective que cette mobilisation particulière pouvait être réalisée en toute sécurité. Un support vidéo numérique retraçant l’ensemble des étapes de cette manipulation accompagnait la formation de l’équipe. Une évaluation a été effectuée sous la forme d’une EPP ; évaluant le temps nécessaire à la mobilisation ainsi que les incidents survenus. Toute l’équipe soignante du service s’est impliquée, concourant à la réussite de l’étude.

La conclusion a été positive puisque le nombre d’incidents a été faible, sans conséquence clinique, et que l’impact sur la charge de travail est resté modéré, avec un ressenti positif de l’équipe. La Réanimation du CHA ayant été en 2015 organisatrice du congrès annuel du Collège des Réanimations d’hôpitaux Extra  Universitaires de France (CREUF), une équipe a eu la chance de pouvoir présenter un atelier sur cette technique qui a rencontré un vif succès. De plus, deux soignants ont eu la possibilité de se rendre à Paris pour présenter ce travail dans le cadre du congrès de la Société de Réanimation de Langue Française (SRLF). Cela fut l’occasion de valoriser le travail collectif de l’équipe de Réanimation, sans qui la réalisation d’une étude de cette envergure n’aurait pu voir le jour.

Vers un protocole global de mobilisation

D’un commun accord avec l’équipe médicale, l’évolution se poursuit vers la réalisation d’un protocole global de mobilisation comprenant les mobilisations passives, le lever au fauteuil, auxquels viendront s’ajouter l’utilisation de pédaliers, de balles de préhension ainsi que des séances de déambulation aidées pour des patients présentant de grandes difficultés de réhabilitation. Sensibilisés aux problématiques d’efficience des établissements de santé, une nouvelle étude va tenter de valider la faisabilité d’introduire ce protocole sans coût supplémentaire afin de le proposer à d’autres unités de soins qui pourraient en bénéficier. Dans ce cadre, et avec le soutien de toute la structure du CHA (direction de la qualité, direction des soins, direction des achats), ce projet d’étude sera soumis au Plan Hospitalier de Recherche Infirmière et Paramédicale (PHRIP), plan d’investissement lancé par le Ministère de la Santé afin de pousser les établissements à promouvoir les études paramédicales. Si nous avons la chance d’être retenus, ce sera une nouvelle occasion pour notre service et notre établissement de démontrer leur savoir-faire et leur volonté d’améliorer sans cesse la prise en charge des patients.

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